ASPASIE BALI
Pour
jouir, il faut un corps…
Lacan : Le savoir du psychanalyste, 4 novembre 1971
Lacan : Le savoir du psychanalyste, 4 novembre 1971
Pour aborder divers thèmes actuels, concernant l’identité
sexuée, le genre la procréation et les réponses proposées, je vais commencer
par aborder ce sujet dans l’antiquité grecque.
Lucien (Imagines4, Amores13-16) et
Philostrate (Vie d’Apollonios6,40) (1), auteurs antiques, nous dit Danielle
Gourevitch, qui vécurent bien plus tard
que les évènements qu’ils relatent, nous
rapportent successivement les aventures de l’Aphrodite de Cnide sculptée au
4ème avt JC par Praxitèle qui fit la
célébrité et la fortune de la ville par le passage des pèlerins.
Lucien raconte les aventures d’un jeune homme qui se serait
laissé enfermer dans le temple avec la statue d’Aphrodite dont il était
tombé amoureux, par la suite la statue
aurait gardé une trace de la relation
sexuelle qu’elle aurait subie.
Il existait également
une version homosexuelle de cette histoire à propos de l’Eros de Praxitèle. Dans
nos temps modernes, on aproposé de désigner le fait d’avoir des relations
sexuelles avec une statue par perversion agalmatophilique.
Cette proposition est, bien sûr, contemporaine,
puisque ce n’est qu’au 19e siècle que Richard Krafft-Ebing va répertorier ce qu’on nommera les « perversions sexuelles »,
ce champ ne concernera plus uniquement les juristes et l’église mais à partir de là, également la médecine.
Remarquons que le terme agalmatophilie, contient agalma (issu d’agallo : objet qui peut plaire), le fameux agalma
de Platon dont parle Lacan à propos de son objet (a) ! Il a signifié dans
l’antiquité : ouvrage travaillé
offert à un dieu, placé dans son temple,d’abord, image du dieu lui-même,et aujourd’hui
en grec il signifie tout simplement statue. A chaque époque ses idéaux, ses objets de désir !
Bien sûr, il n’était
pas question alors de perversion, ces récits suscitaient plutôt la curiosité voire le sarcasme ou la
dérision ! J’étais il y a quelque temps à Florence et mes pas m’ont
conduit aux Offices où nous voyons ces magnifiques répliques gréco-romaines,
bien souvent copies d’originaux disparus.
En parcourant ces salles du musée, j’ai
été frappée par la beauté des œuvres
mais aussi pour certaines par leur ambiguïté : en effet nous sommes bien
souvent étonnés, et amenés à nous questionner : est-ce un homme ou une
femme ? La confirmation anatomique qui s’offre au regard vient renforcer
le trouble de l’équivoque.
D’Apollon à Bacchus en passant par Esculape, Dionysos, Pothos
frère d’Eros, la beauté toute féminine des visages, l’apprêt des chevelures
viennent contredire le sexe biologique. Le polythéisme donne à voir ce qu’il en
était de l’identité sexuée, homme-femme, femme-homme, l’équivoque s’affiche, on
y voit préfigurée la différenciation du sexe anatomique et du sexe
psychique comme on dirait aujourd’hui. Les mythes qui accompagnent ces
personnages viennent donner du sens à
leur position sexuée, et nous racontent leurs aventures et comment s’est joué
leur destin. Nul peuple n’a
mieux que les grecs su deviner que la distribution du masculin et du féminin
était rarement acquise une fois pour toute, nous précise l’helléniste N.
Loraux (2).
Puis en nous promenant de salles en salles, nous admirons
les Annonciations, les vierges à l’enfant plus splendides les unes que les
autres, l’hymne à la famille, au Dieu du
monothéisme, entretemps le discours
avait changé, le nouvel ordre s’imposait, nous étions passés du polythéisme au
monothéisme : le discours chrétien
assignait la place de chacun dans
le cadre familial avec comme axe le père et l’hétérosexualité associée à la
procréation comme norme.
En même temps, je lisais l’histoire de Hyakinthos, aimé
d’Apollon que celui-ci aurait tué, dit-on,
malencontreusement par un lancer de disque. Ovide dans ses Métamorphoses
raconte comment Hyacinthe aurait été
transformé en fleur (en fait non pas en jacinthe comme on pourrait le supposer
mais en sorte de pied d’alouette) sur laquelle les lettres AIAI (hélas)
apparurent sur les pétales, transcrivant la douleur d’Apollon à la mort de son
aimé.
Hyakinthos aurait été un héros barbu, tué par Apollon à
Sparte, toutefois J. Scheid et J. Svenbro (3), les auteurs de « La tortue et la lyre », nous
précisent que la plainte du dieu laisse supposer un rapport érotique entre eux
qui transforme de fait, Hyakinthos en jeune garçon, au seuil de la puberté
selon la formule antique consacrée de ce qu’on appelle la pédérastie, pratique
initiatique indo européenne. Il est à noter le primat grec de l’opposition
entre l’actif, sexuellement et socialement qui correspond à l’homme mûr, et le
passif qui a trait au jeune homme. Relation que par ailleurs Lacan taxe de
perversion.
Le destin de cette fleur est étonnant : le médecin,
pharmacologue et botaniste du 1er
siècle ap. JC, Dioscoride, affirme que la racine de la plante huakinthos était
utilisée pour retarder les premiers signes de puberté chez le garçon : la
pilosité, ce que confirmera plus tard
Pline qui rajoute que ce procédé était d’ailleurs bien connu des
marchands d’esclaves !
Rapprochons cette histoire lointaine de notre
actualité ! On retardait à l’époque la puberté des garçons pour qu’ils restent le plus longtemps
possible un objet de convoitise : soit l’aimé de leur amant, soit pour
être vendu au meilleur prix.
Aujourd’hui, nous sommes dans d’autres temps, temps du
discours de la science et du
libéralisme. Les relations entre Réel, Symbolique et Imaginaire se déclinent
autrement.
Récemment un quotidien (4) relatait un dispositif proposé en Hollande pour l’instant, et bientôt en France, à des jeunes gens pré-pubères qui se questionnent sur leur identité sexuelle.
Récemment un quotidien (4) relatait un dispositif proposé en Hollande pour l’instant, et bientôt en France, à des jeunes gens pré-pubères qui se questionnent sur leur identité sexuelle.
Ce service offre à ces jeunes la possibilité de bloquer leur puberté par la prise
d’hormones, afin de leur laisser la possibilité d’opter par la suite pour un
sexe ou l’autre. Il ne s’agit pas ici de cas d’intersexuation, de jeunes ayant
des particularités génétiques ou hormonales particulières, non il s’agit
simplement de jeunes biologiquement normaux qui doutent de leur identité
sexuelle. Ils témoignent : il y a
erreur d’attribution, nous ne sommes pas nés avec le bon sexe, une autre
jeune fille dit : Suis-je née ainsi ou bien me suis-je construit cette
identité féminine à travers mes expériences ?
On conclut alors qu’on a affaire éventuellement à de jeunes
transexuels. Le psychologue et
coordinateur des recherches du service spécialisé à l’accueil de ces jeunes,
nous indique qu’ils passent un IRM avant et après le traitement pour tenter d’explorer , dit-il, le fonctionnement de leur cerveau ! On explore le cerveau pour essayer d’y
déceler l’origine de cette contradiction entre le corps biologique et le corps
psychique ! Si ces jeunes sont biologiquement normaux, alors c’est dans le cerveau qu’il faut chercher l’origine
de leur doute et non plus dans l’’histoire du
sujet !
Dans l’antiquité le
jeune était un objet de convoitise aujourd’hui, il est considéré comme un sujet
pouvant décider de son orientation sexuelle pour lui-même. La pédophilie reste
la dernière perversion condamnable par la loi
et il y a quelques jours, en France, le mot inceste vient d’apparaître
dans les textes de loi comme pratique pénalisable, l’enfant reste une victime
potentielle à protéger tandis que l’on considère, par ailleurs, qu’il peut
choisir son identité sexuelle dès12/14 ans.
Nous pouvons nous interroger
sur ces pratiques, l’inconscient n’est
pas pris en compte pas plus que les apports de la clinique psychanalytique. La place à laquelle l’enfant
a été attendu ne semble être questionnée.
Lacan parle des êtres parlés, ce qui montre bien, dit-il, que
c’est dans le langage que se joue l’affaire pour chacun.
Et surtout la technique médicale offre une réponse dans le
réel, chirurgicale à la demande. Ces
pratiques se situent entre l’imaginaire du jeune en question et la réponse dans
le réel de la science qui court-circuite le processus de subjectivation
qui permettrait d’assumer une position
sexuée. De plus cette façon de faire ne tient pas en compte des conséquences subjectives pour le sujet.
Pourtant Freud, dès
ses Trois essais, avance que la différence sexuée s’établit à partir du
constat de la castration maternelle et ilaborde la question de la bisexualité
dans ses Etudes sur l’hystérie.Lacan
nous rappelle que pour Freud il y a des normes sociales faute de toute norme
sexuelle (5).
Nous pouvons entendre le questionnement, voire la souffrance
du jeune mais nous pouvons nous interroger si d’une part l’information diffusée
par les médias ne suscite pas des demandes, à l’ère de l’image et du virtuel, et si d’autre part l’offre des
techniques chirurgicales ne provoque pas une surenchère et ne va pas au-devant
des questionnements légitimes des jeunes pré-pubères sur leur identité
sexuelle ?
Aujourd’hui se pose plus particulièrement la question
éthique voire bioéthique, car la technique associée à la loi du marché attaque la subjectivité. Est-ce que pour une partie de ces jeunes,
l’intervention ne s’inscrit pas à
défaut d’un travail de symbolisation, commencé à temps pour éviter d’en passer
par la métamorphose du corps ?
Les mêmes hellénistes pré-cités, nous parlent également
d’Orphée, ils nous indiquent que le nom commun orpheus signifie en grec mérou,
or il se trouve que le poisson nommé mérou est un « hermaphrodite successif », c’est à
dire précisent les auteurs, un transexuel : le mérou d’abord femelle devient mâle au cours de son
existence, tous les mérous âgés sont des
mâles (6). Ce processus a été confirmé par les éthologues en 1990.
Les auteurs avancent qu’Orphée ferait le deuil non pas
d’Eurydice mais de la jeune fille qu’il aurait été, ils soutiennent qu’Orphée
ne serait pas le seul personnage de la
mythologie à avoir commencé sa vie en tant que fille puis de l’avoir poursuivie
comme garçon, notamment Kainis, fille du roi Kaineus tuée par les centaures
(Apollodore, Epitomé 1, 22), de même Narcisse…
Il est d’ailleurs remarquable qu’à l’opéra, le rôle d’Orphée
soit le plus souvent interprété par des femmes ou des castrats ou encore par
des voix de haute-contre c’est à dire des voix masculines à tessiture aigüe.
Voilà cette fois le mythe qui aborde la question du
changement de sexe, du transexualisme, les grecs savaient que ce phénomène
existait dans la nature, en s’appuyant sur le monde animal, ils confirment sa
« naturalité » en quelque sorte.
Ceci nous
atteste encore une fois que le questionnement sur l’identité sexuelle, et sur
le désir éventuel d’en changer est là depuis toujours.
Le passage, au christianisme a imposé de nouvelles normes : le patriarcat et le culte voué
à la famille traditionnelle repoussent les autres expressions sexuelles, les sexualités périphériques, comme dit
Foucault à ses marges, à ses confins.
Par les effets de l’histoire du XXème siècle, de la
psychanalyse, des mouvements anti
autoritaires et des luttes des femmes, l’ordre patriarcal est aujourd’hui entamé. De ce fait la question de l’identité
sexuelle se pose sur la scène publique, la disjonction entre sexe biologique et sexe psychique
commence à être reconnue et nous savons avec la psychanalyse que de
multiples choix d’objets sont possibles pour le sujet.
Freud dès 1920 avance que le caractère sexuel psychique et le choix d’objet ne sont pas unis par une
relation fixe de coïncidence. Puis en 1925 il ajoute : tous
les individus humains, par suite de leur constitution bisexuelle et de leur
hérédité croisée, possèdent à la fois des traits masculins et des traits
féminins. (7)
La question est traitée aujourd’hui essentiellement par le
juridique et le médical. Longtemps la normalisation des différences était requise, il fallait
faire coïncider le sexe biologique, le
genre et le sexe juridique, telles que les pratiques de réaffectation
chirurgicale de genre qu’ont dû subir les enfants nés hermaphrodites. A présent
ils se sont constitués en association
pour obtenir qu’on laisse grandir
ces enfants nés avec des organes sexuels ambigus, afin qu’ils puissent
eux-mêmes plus tard choisir éventuellement, ou pas d’ailleurs, leur orientation
sexuelle.
Actuellement certains patients demandent aux médecins une
réassignation de leur sexe par hormonothérapie et opération. Ils ont obtenu la
possibilité de changer d’état civil en France depuis 2010. La difficulté
consiste pour un médecin à pouvoir distinguer le type de demande : il y a
une réelle souffrance pour certains sujets pour lesquels ces protocoles se
justifient mais par ailleurs comment distinguer un masque pervers, un moment
délirant d’une psychose, une tentative de pallier au Nom du père, comme le
propose C. Millot ... Enfin le mouvement
queer remet en cause aujourd’hui la norme hétérosexuelle et revendique
l’émancipation du sexe par rapport au genre,
dans cette logique le transexualisme n’aurait plus besoin d’avoir
recours à la chirurgie.
Néanmoins la
technique chirurgicale rend à présent les transformations possibles et on
assiste à une inflation de demandes de réassignations sexuelles. Les médecins
statuent sur l’opportunité de l’intervention tandis que le juge s’enquiert de
l’irréversibilité de l’opération avant d’accorder la possibilité du changement
de l’état civil. Il tient à s’assurer que le sujet est bien stérile afin de
préserver les règles de la filiation, protégeant ainsi un enfant qui pourrait se retrouver deux
mères : une mère biologique et un père biologique à l’identité féminine.
Les médecins, cette fois y vont avec des pincettes pour trafiquer le réel des corps. Ces questions
de la demande du sujet se posent d’autant plus qu’on sait qu’après de telles opérations irréversibles de
modification d’organes, si la transformation nourrit le fantasme, la jouissance
sexuelle est diminuée voire parfois annulée, et que le risque de suicide n’est
pas exclu !On peut se demander quel choix de jouissance est adopté ?
Pourrait-on imaginer que le choix du genre devienne
dorénavant une affaire privée ?
Avec la fin du monde mythique, nous
quittions le monde des créatures hybrides, des êtres féminins puis masculins,
des Tirésias, des êtres mi hommes mi animal. Dans notre modernité où le
patriarcat est en recul,la question du
sexe et du genre réapparait : nous réalisons aujourd’hui dans le
champ du réel, sur nos propres corps grâce aux prouesses technico-scientifiques
ces transformations.
Un autre champ semble également
concerné par ce dialogue avec les anciens c’est celui de la
procréation et de la grossesse. Nous pratiquons la procréation médicalement
assistée et bientôt la gestation pour autrui sera légalisée. N’évoque-t-on pas,
même la possibilité de nous reproduire à partir de n’importe quelle
cellule de notre peau qu’on peut transformer en spermatozoïde ou en ovule
? Les anciens racontaient déjà eux-aussi des histoires d’auto-engendrement, Zeus était qualifié
d’autopater et d’automater..., citons l’helléniste Vernant (8) : Zeus n’hésite pas…il se fait une entaille dans la cuisse…il transforme
sa cuisse en utérus féminin et y loge le
petit Dionysos, qui est à ce moment-là un fœtus de six mois, par ailleurs il
accouche d’Athéna, par la tête – la naissance dans le monde grec peut avoir
lieu par conjonction sexuelle ou par
scissiparité. Le christianisme ne repose-t-il pas lui-même sur le concept d’immaculée conception ? Aujourd’hui
ne parle-t-on pas de l’éventualité de créer des utérus artificiels ?
Si le mythe donne un sens à ces naissances, dans notre
modernité, la procréation par les
techniques médicaless’affranchit aussi de la sexualité, comme il était question
dans la théorie sexuelle infantile freudienne, et nous écoutons déjà
depuis longtemps les couples
d’homosexuels et leur désir d’enfant, les femmes qui reçoivent un don de
sperme… et finalement ces enfants trouvent leur place dans un registre d’état
civil comme dans le symbolique. Ces
mêmes questions de l’identité sexuelle, de la procréation, de la filiation
traversent notre histoire au gré des
discours dominants.
Par ailleurs les dieux étaient immortels tandis que les
hommes étaient nommés les éphémères, aujourd’hui la recherche médicale travaille plus que jamais sur l’immortalité (9).
Nous tentons de rejoindre le statut de ces dieux imaginés
dans la complétude, sans manque, immortels et jouisseurs. L’imaginaire est, me
semble-t-il pour les êtres parlants toujours le même : reculer les limites en
pouvant changer de sexe, homme augmenté
(grâce bientôt au bio et nanotechnologies), immortel, s’auto-engendrant par un
éventuel clonage !
Ce que l’antiquité avait projeté sur les
dieux, aujourd’hui nous tentons de le réaliser : jouir ici et maintenant
d’une sexualité moins limitée, qui ne faiblit pas avec l’âge, et pour une femme procréer après la ménopause - grâce au marché
de la réalisation des fantasmes, jouir
dès à présent et dansun contexte où l’économie prime, en tentant de nous
préserver de la castration.
La question de l’impossible est désormais en corrélation
avec les réalisations des techniques
médicales, nous pouvons modifier ce qui
ne nous convient pas par la chirurgie dite de l’image, ou par délégation
comme la gestation pour autrui (là où autrefois selon les milieux, il y avait d’autres rapports sociaux, il
pouvait arriver qu’une femme donne un enfant à sa sœur stérile ou qu’on enlève
un enfant adultérin, ou encore un enfant né d’un amour ancillaire pour le
« donner » à une épouse
stérile).
Lacan disait qu’il manque aujourd’hui le sens de la
tragédie, ce qui donnait un sens à l’existence : ce sont les prouesses
techniques médicales qui désormais répondent à ce qu’autrefois on appelait
destin, désormais nous pouvons décider pour nous-même. C’est peut être ainsi
que s’écrit la spécificité de notre époque. N’est-ce pas là entre imaginaire et
réel où il manque la dimension du récit, de la subjectivité comme pour ces
jeunes pré-pubaires dont j’ai parlé ?
N’avons-nous pas, nous psychanalystes à anticiper le
changement. Lacan disait en 1973 que le discours de la science a des conséquences
irrespirables pour ce qu’on appelle l’humanité. Il
ajoutait que l’analyse est le poumon artificiel grâce à quoi on essaie
d’assurer ce qu’il faut trouver de jouissance dans le parler pour que
l’histoire continue (10),bien sûr à condition qu’une place pour la parole
soit préservée !
Toutefois rien ne pourra obturer le
manque, le il n’y a pas de rapport
sexuel, ou la détresse de la
transformation des corps. La psychanalyse reste le seul recours pour maintenir
le réel symbolique c’est-à-dire un réel
humain (11), et à resituer le manque du côté de la perte humanisante et
irrémédiable de la chose qu’aucune pharmacologie ni intervention chirurgicale
ne saurait résoudre.
Freud
disait déjà que l’homme est devenu lui-même presque un dieu...mais à
la manière dont les humains savent...atteindre leur type de perfection, c’est à
dire incomplètement »(12)
Oui le monde se transforme, les notions d’identité sexuelle, de couple, de parentalité de
filiation, de famille, de procréation et de grossesse changent.
L’identité sexuelle se remodule, c’est une chose, mais la
réponse dans le réel donnée à la demande d’un sujet par la science, par la
chirurgie pose gravement problème,
aujourd’hui plus que jamais se pose la question de l’éthique.
Mais de fait on y est : la biotechnologie permet
l’avènement d’un homme nouveau, transformé, augmenté...
L’histoire a déjà montré qu’il y a
d’autres modes de faire, de manier le Symbolique sans pour autant perdre le fil
de notre spécificité d’êtres parlants !
Les avancées sont traitées par le médical
et le juridique.La psychanalyse est,
certes une pratique de la singularité, mais saura-t-elle
penser le changement, l’anticiper sans pour autant donner de directives?L’avenir
en devenir est déjà là sous nos yeux, la psychanalyse saura-t-elle conserver la
place innovante qu’elle a occupée jusqu’à présent ?
(1)
D. Gourevitch : Quelques fantasmes érotiques et perversions d’objet
dans la littérature gréco-romaine in Mélanges de l’Ecole française de Rome. Antiquité
T 94 n°2, 1982
(2) N. Loraux : Les expériences de
Tirésias ed Gallimard 2008
(3)J. Scheid et J Svenbro : La
tortue et la lyre, cnrs éditions 2014
(4) Journal le Monde - janvier 2015
(5) J. Lacan, Déclaration à
France-Culture - 1973
(6)R. Cans Le Monde 31/1/1990
(7) Freud : Sur la psychogénèse d'un
cas d'homosexualité féminine in Névrose, psychose, et perversion, PUF, 1973,
p.269 – et
« Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les
sexes », 1925, G.W., XIV, 19-30, inLa vie sexuelle,puf, 1989, p. 132.
(8) Vernant :
L’univers, les dieux, les hommes
(9) le Monde, daté du 12 novembre 2011, indiquait qu’il y aurait près de 1000 articles
scientifiques publiés chaque mois sur la biologie du vieillissement
(10)
Lacan, Déclaration à France-Culture - 1973
(11) Lacan : « Difficulté pour le psychosé... à se maintenir dans un réel humain,
c’est-à-dire un réel symbolique » Les formations de l’inconscient
(12) 1930 Freud : Malaise dans la
civilisation ed PUF, p.39
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