Freud évoque, dans
la lettre 126 du 2 mai 1897 à Fliess une origine traumatique à Fantasieren.
Dans le même mécanisme que la formation de symptômes suite à un trauma. Le
fantasme fonctionnerait alors comme protection contre le trauma. Il écrit
« Elles sont des constructions de
protection, de sublimation, de faits, des embellissements de ceux-ci, elles
servent en même temps d’autosoulagement » 5traduction du PUF, je
ne sais pas ce que voulait dire sublimation pour Freud en 1897).
Je proposerai une possible illustration du fantasme comme
barrière au traumatisme, et en liaison avec le désir. Il s’agit de l’évocation
que fait un analysant, de ce qui aurait pu être un noyau traumatique et qui
reste une construction fantasmatique. Cet analysant raconte l’histoire
suivante : Il se trouvait à l’âge de 13 ans dans un cinéma de quartier à
Paris. C’était un jeudi il assistait seul à un western. Le cinéma, il n’en
n’avait pas conscience avait une fréquentation douteuse. A coté de lui, un
homme d’âge mûr a son bras poséà côté de l’accoudoir du fauteuil, prés de la
jambe du garçon. Le garçon réalise que le personnage remonte très lentement sa
main le long de sa jambe. Dans un premier temps il n’a pas conscience des
intentions de son voisin, puis il réalise son dessein. Alors un violent trouble
s’installe dans son esprit. Il est pris par un irréductible conflit, la peur,
non fantasmatique en l’occurrence, d’une agression sexuelle et l’apparition
d’un désir sexuel. Alors que la peur domine, il constate que l’homme a stoppé
la progression de sa main. Il se surprend alors de concevoir une déception.
Mais rapidement la manœuvre de son voisin reprend, et avec, la peur du jeune
enfant, qui malgré tout ne bouge pas. Puis, ne rencontrant pas de résistance
l’homme précise son mouvement et constate que le garçon est en érection. Alors
directement il lui saisir le sexe. La frayeur prend alors le dessus et
le garçon se lève et se sauve en courant de la salle de cinéma. Il a 55 ans au
moment où il raconte cet épisode de son enfance. Il dit ne pas avoir conçu de
traumatisme de cette scène, il est hétérosexuel et a une vie sexuelle
satisfaisante. Il s’étonne cependant que la remémoration de ce souvenir éveille
en lui régulièrement un fort désir sexuel. Il explique que le fantasme d’être
agressé sexuellement par un homme, la répétition de la scène, engendre chez lui
un désir hétéro. Ici il lui paraît clair que le fantasme ne doit pas être
réalisé, et se marque ainsi une distance sensible entre désir et fantasme.
Comme si lareconstruction de la scène d’agression en fantasme avait pu le
préserver du trauma. Le fantasme est avant tout une construction. Dans sa
métapsychologie en 1917 Freud parle de Wunschphantasie, il
écrit : « le premier désir semble avoir été un investissement
hallucinatoire du souvenir de la satisfaction » Ici il ne s’agit plus de
traumatisme mais de satisfaction hallucinatoire d’un désir.
Si l’on considère que le plaisir sexuel est une remémoration
des premiers plaisirs sexuels, on peut saisir quelque chose de la construction
fantasmatique. Il n’est pas concevable qu’ici le fantasme ait une quelconque
réalisation.Le fantasme n’est pas l’objet du désir, dans
son attente inassouvi. Ce n’est pas quelque chose qui aiderai à supporter la
frustration de l’inaccessibilité de l’objet et qui disparaîtrait quand par
extraordinaire cet objet serait atteint.
Pour faire lien
avec notre colloque demain, le pervers, lui, ne peut se satisfaire du fantasme.
Il lui faut mettre en acte l’objet de remplacement. C’est le coté antisocial,
le côté effrayant, du pervers : la mise en acte de ce qui aurait dû rester
fantasme. Je dirai que l’objet du fantasme ce qui en fait sa consistance est
quelque chose de particulièrement problématique.
Le fantasme se doit
de rester fantasme, sa réalisation risquerait fort, non seulement de décevoir
le sujet, mais pourrait engendrer de surcroit une sérieuse angoisse. En cela
elle se sépare du désir. C’est une construction pour faire avec ce que l’objet du
désir a d’inaccessible. De même que le fétiche vient en lieu et place du
phallus de la mère. Donc phallus qui existe en tant que manquant, l’objet du
fantasme a une fonction de leurre. Ce n’est pas l’objet, mais ça permet de
supporter l’absence d’objet. Le leurre donne au sujet la possibilité je dirai
de « négocier » avec l’objet de son désir. Lacan nous disait : « Vous
savez, une vessie, à condition de mettre une chandelle dedans, ça fait une
excellente lanterne ». Si le sujet peut se laisser leurrer par le
fantasme, c’est peut-être aussi ce qui lui permettra d’entendre quelque chose à
son désir.
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