INTERVENCION en las JORNADAS DE LA FEP en San Sebastián. Texto en francés (febrero de 2014)



Comment se produit l'analyste ?
Par Christian Hoffmann

Qui n'est pas surpris du transfert qui institue le psychanalyste à une place inconsciente d'où le travail du transfert se produit ?
A cette question de la production du transfert, Freud a répondu par la vie amoureuse du sujet qui est soumise par des "clichés" à la pulsion (1). Ainsi, les émois amoureux se partagent entre une partie de la libido tournée vers la réalité et dont le sujet peut disposer et une autre partie de la libido qui ne se satisfait qu'en fantasmes et reste par conséquent dans l'inconscient.
Déçu par la réalité, tout sujet cherche un "espoir libidinal" dans une nouvelle rencontre. Il est fort probable que les deux parts de la libido interviennent dans cette recherche. Dès lors, il devient compréhensible que la libido insatisfaite et par conséquent en attente, est prête à se porter sur le psychanalyste. C'est ainsi que "le patient intègre le médecin dans l'une des 'séries psychiques' qu'il a déjà établie dans son psychisme" (2). Freud apparente ce qu'il appelle un "cliché" (en italique dans le texte) á cette "série psychique" qui conditionne la vie amoureuse et l'amène à la répétition.

En somme c'est le fantasme qui conditionne le transfert en s'y actualisant. Ce qui veut dire qu'il est présent d'emblée dans le discours de l'analysante. Par ce biais du fantasme, nous pouvons saisir la réponse de Lacan á cette question de la production du transfert. Comme nous le savons, le fantasme met le sujet en relation avec l'objet, un objet qui ne tire son statu que de sa perte même. L'objet perdu de la pulsion se retrouve dans le fantasme au titre de son représentant que Lacan appelle l'objet a. Cet objet a est celui qui résulte, depuis Les trois essais de Freud (3), du "prélèvement corporel" (4) qui inscrit sa perte dans le narcissisme. Si l'autre vient à cette place du fantasme, comme nous venons de le voir avec Freud, alors cet objet est aussi ce "dont est à faire du psychanalyste" (5).  Pour Lacan, c'est "le psychanalysant (qui) fait le psychanalyste" (6). Ce qui ne résout pas pour autant la question du psychanalyste et de sa formation. Il ajoute d'ailleurs, "encore faut-il qu'il y ait du psychanalyste".
Qu'est ce que ça veut dire ? Le livre de Moustapha Safouan, La psychanalyse. Science. Thérapie - Et Cause, nous est d'une grande utilité pour éclairer la question du côté du psychanalyste. Dans la troisième partie de son livre sur "La saga lacanienne" Moustapha Safouan analyse l'échec de la Passe comme relevant de la déception de l'attendu d'un savoir sur le désir de l'analyste mais sans pouvoir dire ce qu'est le désir de l'analyste qui motive son acte. Sans développer ici l'argumentation de Moustapha Safouan sur ce point, si ce n'est qu'elle repose sur le distinguo entre savoir y vérité, nous retiendrons que malgré cet échec, "il est certain que l'analyse modifie l'économie libidinale du sujet, de façon à raccorder son désir aux conditions sans lesquelles il ne peut pas fonctionner comme analyste. C'est-à-dire, selon l'expression de Lacan, comme 'lieu nettoyé de la jouissance'" (7). Parfois, il faut s'y prendre à plusieurs reprises à travers des tranches d'analyses pour arriver à ce résultat (8).
Poursuivons avec Lacan, il précise que "l'analyste se fait produire de l'objet a: avec l'objet a" (9). Ce que nous pouvons interpréter de la façon suivante: l'analyste devient l'objet a du fantasme de l'analysante dans le transfert. Mais, il y a une marge, à bien remarquer, entre ce que l'analyste devient dans le transfert et la place d'où il répond de son acte. Un rêve d'un analysant va nous permettre d'éclairer cet écart. Il a rêvé que l'analyste venait dans son rêve à la place de son père mort, qui était bien vivant dans la scène du rêve avec un sourire qui n'a rien à envier à un regard bienveillant, et dans ce même rêve il va raconter cette découverte à son analyste. On voit bien dans ce rêve à quelle place vient l'analyste dans le transfert et la place de l'Autre où se tient l'analyste, qui va permettre, non seulement l'analyse, mais également son issue et sa fin par l'analyse du transfert. Une fin d'analyse où la chute de ce que l'analyste est devenu dans le transfert, à savoir l'objet a, devient possible. Ce qui n'est pas sans nous donner une idée de ce que Lacan appelle "la traversée du fantasme".
Comme se fait cette traversée du fantasme ? Elle peut se faire par exemple à partir d'une interrogation sur la place d'un autre hautement investi d'affect par le sujet, à tel point que peut se poser à lui, la question de sa séparation d'avec cet autre comme une déchirure vécue dans le corps propre. Cette occasion peut permettre la levée du voile sur le fantasme et entrainer ainsi la découverte de la signification de cette perte narcissique de l'autre comme perte d'une partie du corps propre. Plus loin dans l'avancée du travail du transfert, cet analysant peut réaliser combien cette perte est celle d'un objet pulsionnel ave lequel il organisait jusque là toute sa subjectivité et son transfert. Il lui restera alors à assumer cette perte en renonçant à la jouissance qu'elle occasionne (10). Il n'ya que l'analyse qui peut lui permettre de se débarrasser de cette jouissance de l'objet, qui est la cause de sa vie amoureuse et de ses transferts. L'acte du psychanalyste doit "s'accorder à cet objet" (11) pour obtenir une levée du voile sur le fantasme, permettant ainsi la reconnaissance de l'organisation de toute une subjectivité avec cet objet. Un sujet peut régler toute sa vie et ses accrocs avec par exemple l'objet oral ou anal, ou la voix et le regard. Le transfert en est imprégné et c'est à l'analyste de veiller à ce que l'analyse se déroule dans un autre registre que celui de la jouissance de cet objet. L'analysante peut s'installer dans la jouissance d'un tel transfert et rendre ainsi l'analyse interminable. D'où la nécessité, comme l'indique Lacan, que l'acte du psychanalyste "s'accorde à cet objet et à sa jouissance.
Une analyse peut permettre d'éclairer le sujet sur la nature, par exemple anale, du fantasme qui détermine une angoisse d'abandon, vécue jusque dans le transfert. Mais la mise en lumière du fantasme ne soulage pas encore l'analysante du poids de ce dernier. Il y faut un autre acte que l'interprétation. Par exemple, la découverte de la limite du don et la volonté de libérer l'autre du don, de cette servitude, peut générer une angoisse vécue par le sujet comme une perte d'une partie du corps propre. Si l'acte analytique "s'accorde" sur cette perte, il peut permettre la levée du voile du fantasme sur l'objet. Le destin du fantasme, comme le dit Freud, appartient alors au sujet, il est de son ressort de faire de "la défécation (…) l'occasion de décider entre l'attitude narcissique et l'attitude de l'amour d'objet. Ou bien il cède docilement l'excrément, il le 'sacrifie', ou bien il le retient pur la satisfaction auto-érotique et, plus tard pour l'affirmation de sa propre volonté" (12). Il suffit d'ajouter, qu'en devenant l'analogue de l'excrément qui est la "première pièce de substance corporelle à laquelle on a dû renoncer", le pénis est reconnu comme séparable du corps et "c'est ainsi que le vieux défi anal entre dans la constitution du complexe de castration" (13).
Le poète ne s'y trompait pas en livrant à nos oreilles un "perde" ou un "merde" (15).

Bibliographie
1) S. Freud. "La dynamique du transfert", La technique psychanalaytique, Puf, 1953, p. 50
2) Ibid., p. 51
3) S. Freud, Les trois essais sur la théorie sexuelle, Gallimard, 1987
4) J. Lacan, Op. Cit., p. 379
5) J. Lacan, Op. Cit., p. 379
6) J. Lacan, "L'acte psychanalytique. Compte-rendu du séminaire 1967-1968", Autres écrits, Seuil, 2001, p. 379
7) M. Safouan, La psychanalyse. Science. Thérapie - Et Cause, Ed. Thierry Marchaisse, 2013, p. 396
8) C. Hoffmann, "L'analyse sans fin de l'analyste et la question des tranches d'analyses", Clinique lacanienne, N 21, Erès, 2012
9) J. Lacan, Op. Cit., p. 379
10) C. Hoffmann, "La paradoxale dépression de fin d'analyse", Clinique lacanniene, N 17, Erès, 2010
11) J. Lacan, Op. Cit., p. 379
12) S. Freud, "Sur les transpositions de pulsions plus particulièrement dans l'érotisme anal", La vie sexuelle, Puf, 1969, p. 110
13) Ibid., p. 112
14) S.Guitry, Le mot de Cambronne, Libraire T^´eâtrale, 1992
15) A. Jarry, ubu roi, Gallimard, 2002

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