Luigi Burzotta
Ce que Lacan a appelé « Traversé du phantasme »
selon moi ne peut pas tenir que dans ce
que Lacan aussi a appelé « réinventer la psychanalyse ».
Il s’agit de la mise en acte d’une procédure qui exige de
chaque analyste, qu’il se dépouille de tout savoir supposé et renonce aussi au
savoir que l’on lui suppose d’emblée parl’autre, en acceptant d’assumer une
position d’analysant, ce qui équivaut à dire qu’il est question de la position
du sujet de l’énonciation.
Que la position propre à l’analysant ne soit pas
étrangère à celle de l’analyste est un fait sur lequel Lacan a souvent insisté,
dans l’énonciation de son Séminaire. Position qui doit aussi informer l’acte
analytiques’il est vrai que dans la cure « la présence de l’analyste est
elle-même une manifestation de l’inconscient » (Séminaire XI).
Comme Lacan le rappelle dans sa brève intervention au
dernier Congrès de l’Ecole Freudienne,
juillet 1978 :
Tel que
maintenant j’en arrive à le penser, la psychanalyse est intransmissible.
C’est bien ennuyeux. C’est bien ennuyeux que chaque
psychanalyste soit forcé – puisqu’il faut bien qu’il y soit forcé – de
réinventer la psychanalyse.
Si j’ai dit à Lille que la passe m’avait déçu,
c’est bien pour ça, pour le fait qu’il faille que chaque psychanalyste
réinvente, d’après ce qu’il a réussi à
retirer du fait d’avoir été un temps psychanalysant, que chaque analyste
réinvente la façon dont la psychanalyse peut durer.
Qu’est-ce que c’est ça, « qu’on peut réussir à
retirer du fait d’avoir été un temps psychanalysant », si ce n’est
que ce désir, qui a été débusqué grâce au désir de l’analyste?
Parce que, s’il vrai que le désir apparaît dans les intervalles, dans les
trous, dans les interstices du discours, comment se fait-il que, dans
l’analyse, le désir au départ soit de l’analyste si le discours c’est de
l’analysant ? Certainement le désir c’est de l’analyste mais il habite le
discours de celui qui est l’analysant. C’est en ça qu’il n’est pas un désir pur comme le dit Lacan dans la célèbre conclusion duSéminaire XI, mais comme il l’avait
proprement distingué dans le Séminaire L’identification
en l’épurant du désirable : Je désire l’autre qui désire.
En habitant le discours de l’analysant, le désir de l’analyste n’est pas un ‘pur
désir de désir’parce que contaminé par un « désirable », même s’il
s’agit d’un « désirable » de l’ordre saussurienne, en tant que « …désir
d’obtenir [de la part de l’analysant]la différence absolue,
celle qui intervient quand, confronté au signifiant primordial, le sujet vient
pour la première fois en position de s’y assujettir »(Séminaire XI), c’est à dire de se laisser couper par la barre.
Etre animé par un désir d’analyste, dans la pratique, ça
veut dire qu’il y offre son manque comme appât, comme celui qui soutient l’agalma ; ça lui permet de suivre à la trace le discours de
l’autre, dans ses hésitations, ses pauses, prêt à saisir les équivoques du
savoir inconscient, s’il est vrai, comme Lacan le dit dans la Proposition du 9 octobre 1967, que Le passage du psychanalysant au
psychanalyste a une porte dont ce reste qui fait leur division est le gond, car
cette division n'est autre que celle du sujet, dont ce reste est la cause(Proposition du 9 octobre 1967 sur le
Psychanalyste de l’école,
Autres Ecrits, p. 254).
Mais pour faire ça
il ne peut jamais se passer de son attitude de psychanalysant.
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